Loi Duflot : quelles mesures pour encadrer les syndics de copropriété?

Les syndics de propriété trop libres ?

Le projet de loi ALUR veut encadrer le métier des syndics, afin de pallier au vide ou insuffisance juridique dans cette profession. Les volets concernant la copropriété entendent privilégier particulièrement la transparence de la gestion syndicale, afin d’établir des relations de confiance entre syndic, copropriétaires et consommateurs. Des relations jusqu’ici encore à sens unique selon la ministre, car les syndics seraient trop libres dans leurs activités.

Un syndic de copropriété est une personne morale ou physique votée par assemblée générale, afin de représenter le syndicat de copropriété en tant qu’intermédiaire. Il s’occupe de la gestion de l’immeuble ou du groupe d’immeubles en lots en administrant les parties communes de la copropriété. On lui confie ainsi diverses tâches aussi bien administratives et financières que décisionnelles.

Gestion administrative
Le syndic détient tous les dossiers de la copropriété en tant que secrétariat. Il conserve toutes les archives sur la liste des copropriétaires et leurs biens respectifs, les travaux effectués et à prévoir dans le carnet d’entretien de l’immeuble, etc. Il s’occupe également de l’ordre du jour et de l’organisation des AG.

Gestion financière
C’est l’activité la plus critiquée des syndics de copropriété, car la gestion financière concerne souvent de gros montants ouvrant facilement la porte aux différents abus. La comptabilité du syndicat des copropriétaires, le compte de dépôt des charges, le recouvrement, le budget prévisionnel, les historiques des fonds pour les travaux… toutes les tâches financières incombent au syndic. Ce dernier sera toutefois tenu d’effectuer un rapport en AG, mais annuellement.

Exécution des décisions et entretien de l’immeuble
La mission décisionnelle du syndic touche principalement l’application du règlement de copropriété et l’exécution des actions syndicales votées en assemblée générale. Ce rôle relève surtout d’une décision financière, car le syndic s’occupe de trouver et de négocier avec les entreprises de l’immobilier concernant les travaux d’entretien de l’immeuble, les réparations, l’approvisionnement (eau, électricité, gaz…) et les divers contrats d’assurance. C’est également le représentant syndical des copropriétaires aux yeux de la justice et il gère le personnel de l’immeuble.

Le syndic s’occupe ainsi de toutes les tâches stratégiques d’un ou de plusieurs lots de logements. Ce qui facilite les éventuels abus, tels que les surfacturations pour les travaux par exemple, car les rapports ne seront présentés qu’à l’AG annuelle, donc moins de place pour les vérifications. Il se peut également que des travaux « futiles » soient facturés aux copropriétaires, sans parler de la qualité des interventions et de l’intérêt du syndic chez les prestataires choisies. Toutes ces possibilités sont dues à un flou juridique dans ce domaine où la loi reste encore confuse, voire inexistante pour certains cas.

Les avantages et limites du compte séparé

L’un des plus grands volets du projet de loi ALUR concerne l’ouverture d’un compte séparé pour chaque copropriétaire, afin de privilégier la transparence pour chaque dépense. Il s’agit en fait d’une réitération de la loi du 10 juillet 1965 qui était jusqu’ici contournée facilement par les syndics.

Des avantages certains

Le compte bancaire séparé était déjà proposé par la loi de 1965 pour que les fonds engagés par les syndics soient vérifiés facilement par les concernés, surtout les copropriétaires payant les charges. Cela facilitera également la détection des éventuelles difficultés financières dans la trésorerie afin de trouver une solution rapidement. Ce qui n’arrange pas beaucoup certains syndics si ce n’est la majorité, ce qui les pousse à vouloir contourner la loi.

Ainsi, ils proposent aux copropriétaires des contrats à compte uniques ou font voter par AG ce type de compte en dénonçant des frais supplémentaires en cas de comptes séparés. De plus, plusieurs autres dérogations à la loi de 1965 permettent aux syndics d’éviter le compte séparé, afin de profiter de la concentration de fonds dans un fonds unique. Ils peuvent ainsi différer certains paiements pour les fournisseurs, exagérer les budgets ou encore créer des dépenses, etc.

C’est justement dans ce sens que la loi Duflot veut intervenir en supprimant toute dérogation à la création de comptes séparés. Cela permettra de contrôler facilement la gestion financière effectuée par les syndics, surtout avec la mise en place de l’e-gestion pour chaque compte. Ainsi, les mouvements de fonds seront vérifiables sur internet et les copropriétaires seront plus enclins à payer leurs charges.

Cela limitera également la possibilité aux syndics de privilégier leurs intérêts chez certains fournisseurs en négociant des commandes et des règlements. Ils peuvent notamment choisir leurs filiales pour certaines prestations et « trafiquer » les factures ou encore facturer le recouvrement automatique aux copropriétaires sans aucune trace de ces frais dans la comptabilité.

Sans compte séparé, il est difficile pour une copropriété de transférer ses fonds lorsqu’elle change de syndic. Aucun relevé n’est aussi consultable pour chaque flux d’argent et écritures comptables, ce qui ne permet pas de contrôler entièrement le compte unique. Toutes ces pratiques seront dorénavant encadrées par la loi ALUR et les copropriétaires se libèreront des frais supplémentaires de 15 à 40 % pour l’ouverture de comptes séparés, comme c’était le cas sous la loi de 1965.

Les limites
Bien que les intentions de la ministre du Logement soient très appréciées par les acteurs dans l’immobilier en copropriété sur le compte séparé, ce système connait toutefois des failles. En effet, même si les copropriétaires peuvent choisir aisément la trésorerie séparée, ce sont toujours les syndics qui choisissent la banque avec la possibilité de réclamer des frais en sus pour le choix d’un autre établissement bancaire que le leur.

Autre bémol, le système de compte séparé ne sera pas obligatoire pour les petites copropriétés, statut dont la définition sera encore proposée par le Parlement lors de son débat. Ce qui va provoquer des difficultés chez ces types de copropriété à détecter à temps les déficits financiers. Ils pourront pourtant trouver rapidement une solution s’ils utilisent des comptes séparés, bien que ceux-ci ne puissent plus couvrir l’eau, l’électricité ou le gaz par exemple.

L’encadrement des prestations particulières

Les prestations particulières représentent la deuxième catégorie des charges de copropriété après le forfait annuel. Ce dernier permet de couvrir les frais de gestion courante comme l’entretien de l’immeuble ou encore l’organisation des AG par un forfait de base de 150 à 200 €. Les charges particulières correspondent à celles qui sont payées à chaque dépense effectuée, elles sont dites « hors forfait ».

Corriger le tir de l’arrêté Novelli
Depuis l’arrêté Novelli du 19 mars 2010, tous les syndics doivent respecter une liste de travaux devant être inclus dans les prestations de gestion courante, donc déjà couverts par le forfait annuel. Ce texte oblige également les syndics à préciser clairement les honoraires supplémentaires devant être payés en sus du forfait de base.

Ce qui n’a pas toutefois empêché les syndics d’allonger la liste des charges particulières hors forfait, d’autant que cela n’était pas interdit par l’arrêté. Certains copropriétaires ont ainsi payé jusqu’à 50 % de plus pour leurs charges et cela a continué jusqu’en 2013 ou 92 % des contrats de syndics ne respectaient pas entièrement l’arrêté de 2010. C’est le résultat d’une étude réalisée par l’ARC (Association des Responsables de Copropriétés) qui accuse également certains syndics de facturer hors forfait des prestations faisant pourtant partie des 44 tâches listées par l’arrêté.

La limitation de la liste par la Loi Duflot
La nouvelle loi Duflot veut poursuivre les efforts de l’arrêté Novelli en listant cette fois-ci les prestations particulières que les syndics peuvent facturer en sus du forfait annuel. Ce texte prévoit notamment d’établir une liste de toutes ces tâches par décret, ce qui sera alors une liste exhaustive. Une intention dont la pertinence reste cependant floue, car le domaine des travaux en BTP étant vaste, on risque de se retrouver avec une liste interminable.

De plus, la loi ALUR entend lister les prestations particulières sans en définir des tarifs ou du moins des plafonnements. Les associations de consommateurs et de copropriétaires ont pourtant effectué une requête sur l’encadrement de ces frais pour éviter les abus. Mais la demande fut rejetée. En effet, les syndics auront beau respecter la liste, mais ils pourront toujours pratiquer les surfacturations. Ils pourront également choisir des entreprises avec lesquelles ils ont un intérêt pour émettre de fausses factures.

Il faudra ainsi trouver un compromis sur les prestations particulières, leurs tarifs ainsi que les sanctions à appliquer en cas de manquement ou abus. On devra également pouvoir contrôler toutes les facturations émises par les syndics, non seulement lors de leurs rapports en assemblée générale, car les travaux en un an peuvent être très nombreux.

Loi Duflot : des sujets oubliés

Malgré ses 150 articles et plus de 300 pages, le projet de loi ALUR n’a pas apparemment cerné tous les volets du métier des syndics de copropriété.

Les conflits d’intérêts
Il faut savoir que les syndics peuvent être une personne morale ou physique ayant des intérêts dans d’autres sociétés lucratives, notamment dans le domaine de l’immobilier. Bon nombre de syndics pourront ainsi faire jouer leur relation pour ne choisir que ces entreprises souvent des filiales dans le domaine des diagnostics immobiliers, courtage en assurance habitation, nettoyage, BTP, etc.

On peut déjà évoquer la possibilité de surfacturation ou de sous-facturation, mais on peut aussi se pencher sur la qualité des prestations. La répétition des travaux est effectivement un des abus pratiqués par les syndics pour pouvoir réclamer des frais hors forfait » tous les 2 ou 3 ans par exemple.

La loi ALUR ne contient aucune mesure encadrant le choix des prestataires à ce niveau. Elle aurait pu pourtant reprendre les textes de la loi de 1987 qui a obligé les syndics à informer les copropriétaires lorsqu’ils choisissent une société où ils ont un intérêt. Cette dernière loi ne prévoyait pas effectivement de sanctions en cas de manquement à l’obligation d’information.

Les moyens de prévention des travaux

La qualité des travaux de tous les prestataires choisis par les syndics n’est pas encadrée par une loi précise. De plus, si le forfait annuel des charges de copropriété est destiné à financer les travaux d’entretien, il ne pourra pas couvrir les éventuels frais de rénovation de l’immeuble. Ainsi, le projet de loi Duflot propose l’obligation d’effectuer un « diagnostic technique obligatoire sur les travaux », un « plan pluriannuel des travaux » et un « fonds de travaux obligatoire ».

Ce dernier représenterait 5 % des charges et sera réservé aux grands travaux de rénovation comme c’était le cas avec le « fonds de prévoyance » qui ne concernait que les copropriétés de 50 lots et plus. La loi ALUR veut ainsi généraliser ce « fonds de prévoyance », qui jusqu’ici ne touchait pas 95 % des copropriétés. On retrouve également avec cette mesure le rapport du sénateur Dominique Braye en 2012 qui dénonçait la difficulté de certaines copropriétés à couvrir les frais de gros travaux nécessitant de gros montants, mais classés imprévus par les syndics.

Le projet de loi ALUR contient encore d’autres mesures aussi bien appréciées que critiquées par les acteurs de la profession de l’immobilier, surtout des copropriétés. Néanmoins, on assiste déjà à un effort considérable de la ministre du Logement qui se veut protectrice des consommateurs, incluant les propriétaires, copropriétaires et les locataires.

Cette nouvelle loi Duflot a déjà passé les 2 écritures à l’Assemblée nationale et malgré ses détracteurs, il appartient maintenant au Parlement de trancher sur les mesures finalement à adopter et celles qui doivent encore être modifiées voire supprimées. La loi ALUR est censée être en vigueur à partir du 1er janvier 2016 si elle obtient approbation auprès des parlementaires.